Revue de presse de LEVIATHAN

Jean Domarchi :
Un film néo-classique – Les Cahiers du Cinéma.

Leviathan est, en plein sens du terme, un film, non pas académique, mais néo-classique, dans la mesure où il retient et exploite judicieusement les ressources du cinéma moderne (c’est le cinéma américain que je veux dire) pour rendre compte d’un univers parfaitement étranger à celui des Américains. Non que les Américains ignorent le puritanisme et le masochisme, mais ils ignorent forcément le contexte social dans lequel baignent le puritanisme et le masochisme de la province française. Keigel n’est pas un simple continuateur attardé de Welles. C’est un novateur qui connaît sa syntaxe et qui invente (invente signifie ici découvrir) un monde inaccoutumé à nos yeux embués par les vapeurs de l’Epi-Club ou de l’Eléphant Blanc… J’ai parlé, il y a un instant de néo-classicisme à propos de Keigel, et c’est le néo-classicisme que j’apposerai irréductiblement à la Nouvelle Vague. Par néo-classicisme, j’entends une vision esthétique du monde dont, jusqu’à preuve du contraire, Keigel et Astruc sont les seuls représentants. Ils ont, autrement que Godard ou Truffaut, le sens de la modernité, mais, à la différence de ces remarquables auteurs, ce sont des artistes. Ils ne considèrent pas du tout que le refus du beau soit l’alpha et l’oméga de la nouvelle esthétique. Ils n’affirment pas urbi et orbi qu’une photo crasseuse, une direction d’acteurs approximative, soient le dernier cri du cinéma. Ils ne considèrent pas que « leurs maladresses soient des innovations », pour reprendre une pertinente observation d’Alfred Hitchcock. Keigel ne prétend pas innover et, en ce sens, son film est d’une probité exemplaire.

 

Jean-PaulTorök :
Le contre-pied du réalisme – Positif

Le ton admirable « littéraire » (les dialogues sont de Julien Green) et le parti-pris du réalisateur d’exaspérer par l’image le climat trouble et cruel du romancier, placent d’emblée (ce qui est assez rare pour devoir être signalé) le film un degré plus haut que la déjà trop belle œuvre adaptée, grâce à la magie d’un style inspiré, « qui prend le contre-pied, comme le définit Keigel lui-même, du réalisme si prisé dans le cinéma moderne ».

 

Henry Chapier :
Un metteur en scène sobre, classique – Combat

La direction d’acteur révèle un metteur en scène sobre, classique, ennemi des morceaux de bravoure. On pourrait cependant lui reprocher de frôler parfois l’artifice. Marie Laforêt, Lilli Palmer, Madeleine Robinson et surtout Louis Jourdan, on un accent de vérité tel qu’ils s’identifient entièrement avec les personnages du roman. Nous espérons revenir sur Leviathan lors de sa prochaine sortie sur les écrans parisiens.

 

Une manière d’aller à contre-courant – Le Figaro

Hors compétition a été présenté le film de Léonard Keigel, d’après Leviathan de Julien Green. Un jeune cinéaste montre son intérêt de « l’univers greenien », ce qui est une manière d’aller à contre-courant. M. Keigel a bien rendu l’atmosphère à la fois étouffante et feutrée du livre par des moyens évidemment plus réalistes. Moins de feutre et plus de suffocation dans le film : ainsi peut-on résumer les impressions.

 

Charles Ford :
Presque un chef-d’œuvre – Le Bien public

Abstraction faite des sentiments morbides et sordides des principaux personnages, le film de Léonard Keigel est tout près d’être un chef-d’œuvre et on ne regrettera jamais assez qu’il ait été présenté au festival de Venise dans la section d’information seulement, cédant le pas dans la compétition officielle à deux ouvrages tarabiscotés, exercices de style nébuleux d’un intellectualisme glacial et hermétique.
Léonard Keigel a rendu de façon palpable et artistique l’extraordinaire atmosphère de ce terrible drame provincial. Il a trouvé un collaborateur de qualité en Nicolas Hayer, dont les prises de vues sont remarquables. La moindre de surprise de Leviathan n’est pas d’avoir fait de Louis Jourdan, voué jusqu’ici aux rôles de séducteurs aimables et inconsistants, un comédien de grande classe. Sa création dans le personnage torturé de Guéret est absolument admirable. Lilli Palmer et Madeleine Robinson grandes actrices. Marie Laforêt, qui nous avait paru insignifiante dans ses rôles précédents, révèle ici une personnalité intéressante. Georges Wilson, lui aussi, a fait des progrès considérables et ne confond plus cinéma avec théâtre.

 

Michel Aubriant :
Un style efficace et soigné – Paris Presse

Léonard Keigel a réussi ce prodige de ne pas trahir un des écrivains les plus hautains et les plus secrets de notre littérature contemporaine.
Mais son film, s’il épouse les moindres ambiguïtés du récit, n’est point de ces œuvres hermétiques pleines de ténébreuses clartés. Keigel raconte clairement en un style efficace et soigné, sans jamais sacrifier à sa virtuosité gratuite. Il sait diriger des acteurs avec sobriété, élégance.